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Martin Hicks – L’avantage indéniable des études universitaires

La semaine dernière, le quotidien The Globe and Mail a ausculté les récents résultats de l’enquête annuelle auprès des diplômés des universités de l’Ontario. Sa conclusion principale : « La situation des récents diplômés universitaires en Ontario s’aggrave dans presque toutes les mesures de l’emploi comparativement aux diplômés d’avant la récession ». Il a aussi constaté que les diplômés en sciences humaines sont particulièrement touchés, car leurs gains réels ont chuté brutalement par rapport à ceux d’il y a une décennie.

Pourtant, ces conclusions sont trop hâtives et ne présentent pas une image complète. Que révèlent les données au sujet des diplômés récents comparativement à ceux des années fastes qui ont précédé la récession?

Par le passé, les Ontariens titulaires d’un grade universitaire ont obtenu de bons résultats sur le marché du travail. Récemment Statistique Canada a calculé les gains salariaux sur une période de 20 ans des titulaires d’un baccalauréat comparativement aux diplômés du secondaire chez les Canadiens nés entre 1955 et 1957. Au cours de cette période, les hommes ont gagné 730 000 $ et les femmes, 440 000 $.

Ces résultats enviables sont-ils chose du passé? Que réserve l’avenir aux étudiants qui ont obtenu leur diplôme au cours du fléchissement économique en 2008-2009?

Il ne fait aucun doute qu’il est plus difficile de se trouver un emploi. Le taux de chômage déclaré au milieu de la récession de 2009 chez les diplômés de l’Ontario était le double de celui pour les diplômés avant la récession. Cependant, en termes relatifs, le risque de chômage pour les diplômés universitaires s’est amélioré durant le ralentissement économique. Le taux de chômage des jeunes adultes ontariens ayant un diplôme d’études secondaires seulement a atteint un sommet sans précédent. C’est ce groupe qui éprouve le plus de difficulté.

On peut cependant se demander si les diplômés obtiennent des emplois décents. Les revenus moyens des Ontariens qui ont obtenu un diplôme au milieu de la récession, soit en 2009, sont demeurés stables comparativement à ceux des diplômés d’avant la récession. On ne peut nier qu’au cours de la dernière décennie, les salaires des diplômés récents en Ontario ont diminué. Mais apportons trois précisions : les revenus moyens des Canadiens au cours de cette période ont stagné; les salaires des diplômés n’ont pas plus chuté pendant la récession de 2009 que durant la période immédiate précédente; et les salaires des jeunes diplômés sont beaucoup plus élevés que ceux des Ontariens du même âge sans grade universitaire.

Que peut-on dire au sujet des diplômés en sciences humaines? C’est la même vieille histoire. De manière constante au cours des 30 dernières années, les diplômés universitaires des disciplines STIM (sciences, technologie, génie et mathématiques) ont, en moyenne, obtenu de meilleurs résultats que ceux des sciences humaines, et ça a toujours été le cas.

Aucune preuve ne démontre que la situation d’emploi des récents diplômés en sciences humaines pique du nez. Le salaire moyen à temps plein déclaré en 2009 (au creux de la récession) par les diplômés en sciences humaines deux ans après leur diplomation se chiffrait à 38 600 $. Ces résultats se maintiennent chez les diplômés. Le salaire minimum moyen à temps plein en Ontario s’élevait à 22 000 $, et un salaire à temps plein au tarif horaire de 16 $ (tarif horaire moyen des travailleurs de tout âge dans les secteurs des ventes et des services en Ontario) se situait à 32 000 $. À vous de choisir.

Il n’est pas suffisant que les études universitaires produisent des gains salariaux à vie supérieurs. Ce rendement supérieur doit compenser les coûts engagés pour entreprendre des études. Par le passé, les études longitudinales ont montré que l’investissement dans les études postsecondaires rapporte.

Quelle est la situation aujourd’hui? Nous ne le savons pas parce que les diplômés récents commencent à peine leur vie professionnelle. On soupçonne cependant que les coûts, notamment les frais de scolarité et le remboursement des prêts étudiants, sont montés en flèche et qu’ils faussent les calculs. Selon Statistique Canada, les frais de scolarité moyens de premier cycle en Ontario sont les plus élevés de toutes les provinces, soit 7 300 $. Mais ce sont les frais « officiels ». Il faut soustraire de ce chiffre la réduction de 30 % dans le cadre du programme ontarien offerte à la majorité des étudiants; les crédits d’impôt auxquels sont admissibles presque tous les étudiants ou leurs parents subvenant à leurs besoins; et les montants non remboursables du Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario (RAFEO) établis en fonction du revenu. Ainsi, les frais passent de la moyenne déclarée de 7 300 $ par année à moins de 4 000 $.

En dernier lieu, nous entendons beaucoup parler de l’endettement des étudiants. Pourtant, ce n’est pas entièrement mauvais. La majorité de l’endettement des étudiants en Ontario s’accumule dans le RAFEO, alors que le Régime favorise l’accès aux études. Le nombre croissant d’étudiants bénéficiant du RAFEO et, évidemment, d’étudiants contractant des dettes dénote clairement que le Régime facilite l’accès aux études universitaires des Ontariens, qui autrement ne pourraient se le permettre. Le RAFEO offre aussi une aide non remboursable sous forme de bourses au début des études, puis de radiation de dettes une fois les études terminées, ce qui réduit les coûts absolus des études postsecondaires pour les étudiants à faible revenu. C’est indéniable, les étudiants bénéficiant du RAFEO sont avantagés, et non défavorisés, pour ce qui est des coûts de leur éducation.

La meilleure façon de déterminer si le niveau d’endettement est raisonnable ou non est de dégager la tendance dans les défauts de remboursement des prêts. Si une crise de l’endettement sévissait, cet indicateur serait excessif. Toutefois, on constate une tendance à la baisse des taux de prêts en souffrance dans les régimes fédéral et ontarien.

C’est bien d’aller à l’université et d’étudier la philosophie, mais il n’y a pas de garantie. Pourtant, les données montrent que c’est un pari gagnant, surtout dans une économie fragile.

-Martin Hicks, Directeur des données et des statistiques

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